Je dirais même plus...

dimanche 28 novembre 2010

The Return Home

It was then that Mrs. Darling began playing again.
“It’s mother!” cried Wendy, peeping.
“So it is!” said John.
“Then are you not really our mother, Wendy?” asked Michael, who was surely sleepy.
“Oh dear!” exclaimed Wendy, with her first real twinge of remorse, “it was quite time we came back,”
“Let us creep in,” John suggested, “and put our hands over her eyes.”
But Wendy, who saw that they must break the joyous news more gently, had a better plan.
“Let us all slip into our beds, and be there when she comes in, just as if we had never been away.”
And so when Mrs. Darling went back to the night-nursery to see if her husband was asleep, all the beds were occupied. The children waited for her cry of joy, but it did not come. She saw them, but she did not believe they were there. You see, she saw them in their beds so often in her dreams that she thought this was just the dream hanging around her still.
She sat down in the chair by the fire, where in the old days she had nursed them.
They could not understand this, and a cold fear fell upon all the three of them.
“Mother!” Wendy cried.
“That’s Wendy,” she said, but still she was sure it was the dream.
“Mother!”
“That’s John,” she said.
“Mother!” cried Michael. He knew her now.
“That’s Michael,” she said, and she stretched out her arms for the three little selfish children they would never envelop again. Yes, they did, they went round Wendy and John and Michael, who had slipped out of bed and run to her.
“George, George!” she cried when she could speak; and Mr. Darling woke to share her bliss, and Nana came rushing in. There could not have been a lovelier sight; but there was none to see it except a little boy who was staring in at the window. He had had ecstasies innumerable that other children can never know; but he was looking through the window at the one joy from which he must be for ever barred.
James Matthew Barrie, Peter Pan, 1911.

À moi la vie d’artiste…

Décidément, ces histoires pour enfants revisitées, il y a un truc. Décidément aussi, le fait d’arriver bien après la bataille devient chez moi une fâcheuse habitude… Chanter les louanges du Peter Pan de Loisel 20 ans après la publication de son premier épisode reste certes mon plus bel exploit. Il n’empêche, après en avoir dévoré les six tomes, je ne peux que confirmer ma première impression : c’est de loin la BD la plus ambitieuse que j’aie lue depuis très longtemps.
Dans ma lancée de découvreur de talents, voilà maintenant que je m’extasie, tout naïf, sur le Pinocchio de Winshluss, presque deux ans après qu’il a obtenu le Fauve d’Or du meilleur album à Angoulême. Rapide à la détente, quoi… Je peux toujours me consoler en me disant que j’avais pressenti le lauréat 2010, mais bon…
Quoi qu’il en soit, le Pinocchio en question, « très librement adapté du roman éponyme de Carlo Collodi » (c’est peu dire – il s’agirait plutôt d’une adaptation très libre du Disney, qui n’a déjà à peu près rien à voir avec le roman), ce Pinocchio, donc, est impressionnant de maîtrise technique. Les sources d’inspiration et les clins d’œil graphiques y sont innombrables, de l’univers Disney des années 50 (justement) au manga en passant par l'estampe, les affiches de films de série B et les comics. Chaque case est pensée comme un petit tableau, presque autonome. Il faut dire que la plupart d’entre elles sont muettes, ce qui ne laisse guère de place à l’à-peu-près, mais incite le lecteur à s’attarder sur le moindre détail.
Côté scénario, rien à redire. L’angle d’attaque choisi par Winshluss est original : son Pinocchio n’est qu’un robot en ferraille sans conscience apparente, conçu par Geppetto comme une arme de guerre dont il espère tirer profit. Comme on peut s’en douter, la machine échappe rapidement au contrôle de son créateur et se met à errer à travers le monde. Témoin la plupart du temps passif de leurs turpitudes, il a pourtant le don de réveiller les instincts homicides de tous ceux qu’il croise. Mais il n’est pas facile de tuer un robot.
Pour nous narrer ses déboires, l’auteur a le bon goût d’utiliser quelques ficelles finalement assez classiques mais là encore fort bien maîtrisées. L’histoire chorale sans la lourdeur : Pinocchio, Geppetto, Jiminy Cafard (!) et une foule d’autres personnages suivent des trajectoires indépendantes, toutes plaisantes à suivre, qui sont appelées à se croiser à un moment ou à un autre, mais toujours de façon inattendue. De même Winshluss a-t-il souvent recours au détournement de contes classiques, mais sans « iconoclasme » gratuit : il s’agit avant tout de servir l’histoire. On assistera donc, en vrac, à la naissance de Monstro, aux tribulations de la femme de Geppetto (ex-gloire de la photo de charme qui s’ennuie ferme à la maison), aux débordements d’amour des sept nains pour Blanche-Neige ou pour tout ce qui pourrait y ressembler, aux activités lucratives mais crapuleuses de Stromboli, PDG d’une multinationale du jouet, ou encore aux guerres sans merci que se livrent deux clowns despotes pour le contrôle de l’Île enchantée. Résultat : les ruptures de ton sont continuelles dans Pinocchio. Bien que l’ambiance générale en soit très sombre (y sont évoqués, entre autres, l’abandon, la pédophilie, le suicide, le trafic d’organes, la séquestration, le viol, le meurtre, la dictature, la stérilité, le fanatisme), des épisodes plus légers voire franchement comiques viennent ponctuer le récit, comme les « Aventures de Jiminy Cafard », écrivain raté qui a élu domicile dans le ciboulot de Pinocchio. Un vrai plaisir !

mardi 16 novembre 2010

RoboCop ou l'art du dialogue social

Je viens de revoir RoboCop 2, qui était l’un de mes films d’action / science-fiction préférés quand j’avais 10 ou 11 ans, mais sur lequel je n’étais jamais retombé depuis. Eh bien sans me vanter, je trouve que j’avais plutôt bon goût. Ce film est un putain de chef-d’œuvre ! End of story.
Bien sûr, j’y ai retrouvé ce qui m’avait plu quand j’étais gosse. D’abord, un univers beaucoup plus violent et moins gnangnan que celui des films d’action traditionnels. Ensuite, au lieu de la lourdeur du discours habituellement estampillé « science-fiction », d’autant plus dérisoire qu’il se prend au sérieux (« Eh, regardez : c’est de l’anticipation. Cette histoire parle de ce que notre société risque de devenir… » – Oh! Shut the fuck up, dude!) – au lieu de ça, donc, une bonne dose d’humour noir et d’ironie, comme dans cette fausse pub qui constitue la première scène du film.
Et puis surtout, il y a cette séquence hilarante de la reprogrammation de RoboCop. Dans une ville de Detroit rongée par la violence, les huiles de la société géante qui fabrique le fameux flic robot (l’OCP : Omni Consumer Products) « s’inquiètent de son tempérament destructif » : « RoboCop est devenu un modèle pour nos enfants. Nous devons assumer cette responsabilité ». Lorsqu’une psychologue parvenue au sommet de la hiérarchie en couchant avec le PDG propose, lors d’une réunion, de redéfinir « les instructions générales qui détermineront son comportement », les bonnes idées fusent donc : « S’il pouvait un peu plus parler au lieu de se servir de son arme à tout bout de champ ! » lance un premier actionnaire-philanthrope. « Ne pourrait-on faire en sorte qu’il rappelle aux citoyens leur devoir de protéger notre environnement ? » propose un second. « Ne serait-il pas temps de lui enseigner la façon de se faire aimer ? Qu’il visite les orphelinats ! » surenchérit un troisième. « Ce serait formidable ! s’esclaffe le seul dirigeant resté un tant soit peu lucide. Ou qu’il aide les chatons à redescendre des arbres, ou qu’il s’associe aux collectes du dimanche en faveur de la Croix-Rouge, ou même qu’il devienne un animateur de centre aéré et qu’il organise des pique-niques… » « Tout cela est merveilleux. Merci pour toutes ces brillantes idées ! » conclut la psychologue, qui n’a visiblement pas saisi l’ironie de la dernière intervention.
Scène suivante : Une équipe de joueurs de base-ball qui doivent avoir 9 ou 10 ans pille un magasin d’appareils hi-fi, aidée de son coach, qui canarde RoboCop lorsqu’il arrive sur les lieux. « J’aurais deux mots à vous dire ! » lui lance ce dernier en sortant de sa voiture, presque jovial, façon Ned Flanders, avant que sa coéquipière ne tire une balle en plein dans le citron du coach. RoboCop se tourne alors vers les pillards en culottes courtes et leur dit (avec un ton et des gestes que je vous laisse le soin d’imaginer) : « Ah vraiment, que tout ceci est laid ! Peut-être n’avez-vous cherché qu’à vous amuser, mais vous savez que vous faites de la peine à ceux qui vous aiment. Et papa et maman, que vont-ils penser de vous, petites canailles ?... Et maintenant, quelques conseils de nutrition ! » Regard médusé du propriétaire du magasin (que les « petites canailles » ont massacré à coups de batte) et des intéressés eux-mêmes, qui se tirent sans attendre de savoir qu’il leur faut manger cinq fruits et légumes par jour.
Scène suivante : En rentrant au commissariat, RoboCop aperçoit d’autres enfants qui jouent autour d’une bouche incendie ouverte. Il la referme en expliquant, pédagogue : « Notre eau est précieuse. Apprenez donc à l’économiser. Et pierre qui roule vaut deux hommes avertis. » En suivant du regard les mouflets reconnaissants qui décampent en lui criant « Va chier ! », le cyborg devenu roi du dialogue aperçoit un badaud la clope au bec. Il dégaine alors son énorme flingue, tire une vingtaine de balles à quelques centimètres de la tête du vilain pollueur, comme pour en dessiner la silhouette, fait tourner son engin façon cow-boy avant de le rengainer, puis, d’une voix douce : « Merci de ne pas fumer… »
Et ça date de 1990… Mazette !

lundi 15 novembre 2010

Les plus courtes sont les meilleures

Cali, un chanteur engagé...
Tout est dit.

vendredi 12 novembre 2010

Fêtards contre dormeurs

Nuisances sonores dans certains quartiers de Paris...
Les patrons de bar prônent le dialogue et demandent que chacun s'écoute.
C'est un peu la base du problème, non ?

jeudi 11 novembre 2010

Méfaits divers indeed

Je commence à croire que je suis une sorte de chat noir, puisque je viens d'assister, aux premières loges, à deux accidents de voiture en moins de trois heures.
La chose est d'autant plus singulière que ce midi, entre deux bouchées de Parmentier, nous parlions avec C*** du surréaliste « Ne nous fâchons pas » (à quand le smiley ?) qui trône en caractères gras sur la première page des constats. En lisant ce conseil de sage, je m’imagine toujours Ned Flanders sortant de sa voiture emboutie pour lancer un jovial « Sala-sali-salut ! » au chauffard d’en face.
Quoi qu’il en soit, j’ai profité de l’aubaine pour bien observer mes accidentés. Eh bien vous savez quoi ? Ils n’avaient pas dû lire la première page du constat…

Trois plumes au Michelin

Déjeuner chez C*** ce midi. Mémorable Parmentier de canard aux cèpes, arrosé d’un cahors qui, comme dirait mon caviste, était « sur la gourmandise ». C*** m’avait aimablement prévenu que son Parmentier serait, quant à lui, « à la Derrida » (autrement dit, « déconstruit »), ce qui m’a enchanté. Du coup, je lui ai soumis l’idée d’ouvrir une sorte de restaurant littéraire, dont la carte pourrait ressembler à ceci :
Apéritif d’accueil
Perroquet à la Julian Barnes
Entrées
Porto au melon à la Bukowski (possibilité sans melon - à régler d’avance)
ou
Rillettes « bien Grass » façon Günter
ou
Vol-au-vent à la Deforges (d’après une recette originale de Margaret Mitchell)
Plats
Steak tartare à la Stoker
ou
Pilons de Georges Poulet façon genevoise
ou
Daube aux navets du Jardin d’Alexandre (déconseillé par le patron)
Desserts
Saint-Honoré façon Balzac
ou
Pudding à la Modiano
ou
Homi Bhabha au rhum
Pour digérer
Alcools au choix (s’adresser à Guillaume)
ou
Tisane Verlaine-menthe

mercredi 10 novembre 2010

Comme prévu...

Ça y est : Florent Pagny a enfin présenté ses excuses, après son « dérapage raciste » (dixit le CRAN, toujours en grande forme). On savait bien, d’ailleurs, que ce n’était qu’une question d’heures. Alors on attendait, comme ça, pour voir un peu le cirque habituel, les contorsions d’usage, les protestations émues, les preuves de citoyenneté cosmopolite, le jeu du « je-suis-encore-plus-antiraciste-que-vous » – bref : le spectacle du bienpensant progressiste qui se fait dévorer par les siens parce qu’il a eu le malheur de s’oublier une seconde. Mais sans plus d’enthousiasme que ça, à vrai dire. Le scénario est désormais tellement connu, la machine si bien rôdée, que même le comique de répétition ne fonctionne plus.
Pagny avait donc déclaré qu’il avait préféré scolariser ses enfants aux États-Unis, parce qu’en France « il y a un moment où ton môme, il rentre à la maison et d'un seul coup, il se met à parler rebeu... » Il avait aussi fait part d’une conversation qu’il avait eue avec le plus jeune de ses fils : « Ce n'est pas possible : tu ne vas pas pouvoir me parler "çacom", parce que verlan, encore, tout va bien, mais là, il n'y a pas de raison. Tu vas passer à autre chose et tu vas essayer de rattraper le groupe de tête plutôt que de traîner ».
Deux déclarations « nauséabondes » d’un coup, il faut dire qu’il a fait très fort, le Florent ! D’abord, il stigmatise le « parler rebeu » qui est pourtant, comme chacun sait, le détournement toujours inventif, souvent poétique et parfois subversif d’une langue (le français) moisie et sclérosée dans l’assurance de ses préjugés. (Car il est bien évident que « parler rebeu » ne signifie pas littéralement « parler arabe », comme fait semblant de le croire le CRAN. Mais passons.)
Et puis surtout, il dénigre nos belles écoles publiques en envoyant ses rejetons aux « States », ce que font – pas folles – toutes nos « élites » politiques, médiatiques, artistiques et sportives depuis déjà belle lurette, mais en ayant le bon goût de continuer à nous vanter les mérites du riant métissage de nos collèges de ZEP et à nous chanter les louanges de la mixité sociale salvatrice de nos lycées professionnels.
« Mais vous n’aurez pas… ma liberté de penser ! » Bah si. C'était même assez facile, en fait…

mardi 9 novembre 2010

Le quenottier du peuple

En parlant du frangin, voici un extrait délicieux que, Château Yon-Figeac aidant, nous nous remémorions le week-end dernier...
Il y avait de cela, trois années ; pris, au milieu d’une nuit, d’une abominable rage de dents, il se tamponnait la joue, butait contre les meubles, arpentait, semblable à un fou, sa chambre.
C’était une molaire déjà plombée ; aucune guérison n’était possible ; la clef seule des dentistes pouvait remédier au mal. Il attendait, tout enfiévré, le jour, résolu à supporter les plus atroces des opérations, pourvu qu’elles missent fin à ses souffrances.
Tout en se tenant la mâchoire, il se demandait comment faire. Les dentistes qui le soignaient étaient de riches négociants qu’on ne voyait point à sa guise ; il fallait convenir avec eux de visites, d’heures de rendez-vous. C’est inacceptable, je ne puis différer plus longtemps, disait-il ; il se décida à aller chez le premier venu, à courir chez un quenottier du peuple, un de ces gens à poigne de fer qui, s’ils ignorent l’art bien inutile d’ailleurs de panser les caries et d’obturer les trous, savent extirper, avec une rapidité sans pareille, les chicots les plus tenaces ; chez ceux-là, c’est ouvert au petit jour et l’on n’attend pas. Sept heures sonnèrent enfin. Il se précipita hors de chez lui, et se rappelant le nom connu d’un mécanicien qui s’intitulait dentiste populaire et logeait au coin d’un quai, il s’élança dans les rues en mordant son mouchoir, en renfonçant ses larmes.
Arrivé devant la maison, reconnaissable à un immense écriteau de bois noir où le nom de « Gatonax » s’étalait en d’énormes lettres couleur de potiron, et en deux petites armoires vitrées où des dents de pâte étaient soigneusement alignées dans des gencives de cire rose, reliées entre elles par des ressorts mécaniques de laiton, il haleta, la sueur aux tempes ; une transe horrible lui vint, un frisson lui glissa sur la peau, un apaisement eut lieu, la souffrance s’arrêta, la dent se tut.
Il restait, stupide, sur le trottoir ; il s’était enfin roidi contre l’angoisse, avait escaladé un escalier obscur, grimpé quatre à quatre jusqu’au troisième étage. Là, il s’était trouvé devant une porte où une plaque d’émail répétait, inscrit avec des lettres d’un bleu céleste, le nom de l’enseigne. Il avait tiré la sonnette, puis, épouvanté par les larges crachats rouges qu’il apercevait collés sur les marches, il fit volte-face, résolu à souffrir des dents, toute sa vie, quand un cri déchirant perça les cloisons, emplit la cage de l’escalier, le cloua d’horreur, sur place, en même temps qu’une porte s’ouvrit et qu’une vieille femme le pria d’entrer.
La honte l’avait emporté sur la peur ; il avait été introduit dans une salle à manger ; une autre porte avait claqué, donnant passage à un terrible grenadier, vêtu d’une redingote et d’un pantalon noirs, en bois ; des Esseintes le suivit dans une autre pièce.
Ses sensations devenaient, dès ce moment, confuses. Vaguement il se souvenait de s’être affaissé, en face d’une fenêtre, dans un fauteuil, d’avoir balbutié, en mettant un doigt sur sa dent : « elle a déjà été plombée ; j’ai peur qu’il n’y ait rien à faire. »
L’homme avait immédiatement supprimé ces explications, en lui enfonçant un index énorme dans la bouche ; puis, tout en grommelant sous ses moustaches vernies, en crocs, il avait pris un instrument sur une table.
Alors la grande scène avait commencé. Cramponné aux bras du fauteuil, des Esseintes avait senti, dans la joue, du froid, puis ses yeux avaient vu trente-six chandelles et il s’était mis, souffrant des douleurs inouïes, à battre des pieds et à bêler ainsi qu’une bête qu’on assassine.
Un craquement s’était fait entendre, la molaire se cassait, en venant ; il lui avait alors semblé qu’on lui arrachait la tête, qu’on lui fracassait le crâne ; il avait perdu la raison, avait hurlé de toutes ses forces, s’était furieusement défendu contre l’homme qui se ruait de nouveau sur lui comme s’il voulait lui entrer son bras jusqu’au fond du ventre, s’était brusquement reculé d’un pas, et levant le corps attaché à la mâchoire, l’avait laissé brutalement retomber, sur le derrière, dans le fauteuil, tandis que, debout, emplissant la fenêtre, il soufflait, brandissant au bout de son davier, une dent bleue où pendait du rouge !
Anéanti, des Esseintes avait dégobillé du sang plein une cuvette, refusé, d’un geste, à la vieille femme qui rentrait, l’offrande de son chicot qu’elle s’apprêtait à envelopper dans un journal et il avait fui, payant deux francs, lançant, à son tour, des crachats sanglants sur les marches, et il s’était retrouvé, dans la rue, joyeux, rajeuni de dix ans, s’intéressant aux moindres choses.
Joris-Karl Huysmans, À rebours, 1884.

Jeu de massacre


Marc-Edouard Nabe sur fluctuat.net

Entretien réalisé par le frangin...

jeudi 4 novembre 2010

Jaurès et Dreyfus

Les juifs, l’argent, la trahison : avec Dreyfus, s’étend un très vieil antisémitisme qui avait été ragaillardi, et jusque dans les milieux les plus « populaires » et « ouvriers », par les scandales et les crises qui assaillent depuis si longtemps le pays. À gauche aussi, même chez les socialistes déclarés comme chez les militants conscients d’un mouvement ouvrier qui se cherche, il a resurgi sous cette forme instinctivement populiste d’hostilité immédiate et viscérale aux « youtres » manieurs d’argent et usuriers exploiteurs du peuple ; il a relancé l’argumentaire antijuif de tous les anticapitalistes sommaires et, en 1895, il s’est même trouvé des blanquistes notoires pour saluer leurs camarades autrichiens qui chassaient le juif dans Vienne. Séjournant alors brièvement en Algérie, Jaurès lui-même a certes compris que le peuple arabe avait le droit de « surveiller notre gestion » et saurait s’émanciper un jour, mais il a admis étrangement vite que les juifs appliquent là-bas « leurs procédés d’extorsion et d’expropriation », et il n’a guère reproché au jeune « parti socialiste algérien » de prendre âme et élan militant, bel euphémisme, « sous la forme un peu étroite de l’antisémitisme ». On ne l’a certes jamais vu parader, comme certains de ses camarades, avec des antisémites déclarés, même quand il fallut à tout prix aider les verriers d’Albi et que La Libre Parole et Drumont auraient pu être sollicités ; il a toujours tenu pour l’idée, foncière chez lui, qu’il n’y a « qu’une race, qui est l’humanité ». Et il est tout aussi vrai, en revanche, que les premiers dreyfusards ont convaincu et mobilisé des républicains – un petit groupe que Jaurès a défini comme « judaïsant et panamisant » - qui avaient trempé dans le scandale de Panama et étaient restés très hostiles aux socialistes : par exemple, ce Ludovic Trarieux, auteur de l’appel, décisif, dont sortira en juin 1898 la Ligue des droits de l’homme, qui a rapporté sans broncher sur les « lois scélérates » en 1893 et qui, garde des Sceaux en 1895, a directement soutenu Rességuier à Carmaux. Si bien qu’il n’est que trop clair qu’à la différence de Zola, Jaurès n’est pas d’abord devenu dreyfusard par haine de l’antisémitisme. Et pour comprendre qu’il ait si tardivement soutenu Dreyfus, faudrait-il en outre admettre qu’en lui l’intellectuel a été tenu en lisière par le socialiste ? (p. 109-111)
Jean-Pierre Rioux, Jean Jaurès, Perrin, 2005.

Par loteur d'Rnani

Pépite à lire absolument ! Un grand merci à L***.

lundi 1 novembre 2010

MDR ! (Pour de vrai…)


Faut-il y voir un présage ?
Il y a quelques semaines, déjà, cette charmante annonce me faisait comprendre le véritable sens de l’expression « aller s’enterrer dans un trou ».
Aujourd’hui, je débusque par le plus grand hasard ce repaire d’aliénés
Happy Halloween!