Je dirais même plus...

mardi 16 novembre 2010

RoboCop ou l'art du dialogue social

Je viens de revoir RoboCop 2, qui était l’un de mes films d’action / science-fiction préférés quand j’avais 10 ou 11 ans, mais sur lequel je n’étais jamais retombé depuis. Eh bien sans me vanter, je trouve que j’avais plutôt bon goût. Ce film est un putain de chef-d’œuvre ! End of story.
Bien sûr, j’y ai retrouvé ce qui m’avait plu quand j’étais gosse. D’abord, un univers beaucoup plus violent et moins gnangnan que celui des films d’action traditionnels. Ensuite, au lieu de la lourdeur du discours habituellement estampillé « science-fiction », d’autant plus dérisoire qu’il se prend au sérieux (« Eh, regardez : c’est de l’anticipation. Cette histoire parle de ce que notre société risque de devenir… » – Oh! Shut the fuck up, dude!) – au lieu de ça, donc, une bonne dose d’humour noir et d’ironie, comme dans cette fausse pub qui constitue la première scène du film.
Et puis surtout, il y a cette séquence hilarante de la reprogrammation de RoboCop. Dans une ville de Detroit rongée par la violence, les huiles de la société géante qui fabrique le fameux flic robot (l’OCP : Omni Consumer Products) « s’inquiètent de son tempérament destructif » : « RoboCop est devenu un modèle pour nos enfants. Nous devons assumer cette responsabilité ». Lorsqu’une psychologue parvenue au sommet de la hiérarchie en couchant avec le PDG propose, lors d’une réunion, de redéfinir « les instructions générales qui détermineront son comportement », les bonnes idées fusent donc : « S’il pouvait un peu plus parler au lieu de se servir de son arme à tout bout de champ ! » lance un premier actionnaire-philanthrope. « Ne pourrait-on faire en sorte qu’il rappelle aux citoyens leur devoir de protéger notre environnement ? » propose un second. « Ne serait-il pas temps de lui enseigner la façon de se faire aimer ? Qu’il visite les orphelinats ! » surenchérit un troisième. « Ce serait formidable ! s’esclaffe le seul dirigeant resté un tant soit peu lucide. Ou qu’il aide les chatons à redescendre des arbres, ou qu’il s’associe aux collectes du dimanche en faveur de la Croix-Rouge, ou même qu’il devienne un animateur de centre aéré et qu’il organise des pique-niques… » « Tout cela est merveilleux. Merci pour toutes ces brillantes idées ! » conclut la psychologue, qui n’a visiblement pas saisi l’ironie de la dernière intervention.
Scène suivante : Une équipe de joueurs de base-ball qui doivent avoir 9 ou 10 ans pille un magasin d’appareils hi-fi, aidée de son coach, qui canarde RoboCop lorsqu’il arrive sur les lieux. « J’aurais deux mots à vous dire ! » lui lance ce dernier en sortant de sa voiture, presque jovial, façon Ned Flanders, avant que sa coéquipière ne tire une balle en plein dans le citron du coach. RoboCop se tourne alors vers les pillards en culottes courtes et leur dit (avec un ton et des gestes que je vous laisse le soin d’imaginer) : « Ah vraiment, que tout ceci est laid ! Peut-être n’avez-vous cherché qu’à vous amuser, mais vous savez que vous faites de la peine à ceux qui vous aiment. Et papa et maman, que vont-ils penser de vous, petites canailles ?... Et maintenant, quelques conseils de nutrition ! » Regard médusé du propriétaire du magasin (que les « petites canailles » ont massacré à coups de batte) et des intéressés eux-mêmes, qui se tirent sans attendre de savoir qu’il leur faut manger cinq fruits et légumes par jour.
Scène suivante : En rentrant au commissariat, RoboCop aperçoit d’autres enfants qui jouent autour d’une bouche incendie ouverte. Il la referme en expliquant, pédagogue : « Notre eau est précieuse. Apprenez donc à l’économiser. Et pierre qui roule vaut deux hommes avertis. » En suivant du regard les mouflets reconnaissants qui décampent en lui criant « Va chier ! », le cyborg devenu roi du dialogue aperçoit un badaud la clope au bec. Il dégaine alors son énorme flingue, tire une vingtaine de balles à quelques centimètres de la tête du vilain pollueur, comme pour en dessiner la silhouette, fait tourner son engin façon cow-boy avant de le rengainer, puis, d’une voix douce : « Merci de ne pas fumer… »
Et ça date de 1990… Mazette !

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