Je dirais même plus...

dimanche 28 mars 2010

Better late than Neverland

Mais comment ai-je pu arriver si longtemps après la bataille ?! Le premier tome du Peter Pan de Régis Loisel est sorti il y a tout juste 20 ans, et je ne l'ai lu que ce week-end. Ignorance ? Même pas ! Plusieurs personnes dignes de confiance m'en chantaient les louanges depuis des lustres, mais j'avais envers cette BD l'une de ces réticences parfaitement irrationnelles qui vous font remettre à plus tard telle ou telle lecture pendant des années, avant de finalement vous précipiter dessus, sur un coup de tête non moins irrationnel.
Inconscience, donc. Folie en partie irréparable. Parce que, contrairement au mythe, on ne "retombe pas en enfance" en lisant un chef d'oeuvre sur l'enfance, n'est-ce pas ? Et puis quoi, encore ? La plupart du temps, il faut se contenter de la jouissance masochiste de celui qui mesure ce qu'il a irrémédiablement perdu. Et c'est déjà beau.
L'exception à cette règle aussi cruelle que banale ? La relecture des oeuvres que l'on a découvertes lorsqu'on était soi-même enfant. En se souvenant des rêves, des peurs, des fantasmes qu'elles engendraient en nous, on retrace tant bien que mal le chemin, comme le Petit Poucet avec ses cailloux. L'illusion ne dure que le temps de tourner les pages, mais alors on plane allègrement, accro à cette drogue du souvenir. Et là, j'avoue que j'aurais bien aimé que la fée Clochette me jette un peu de sa poudre...

mercredi 24 mars 2010

A l'ouest, rien de nouveau

Du déni au délit de réalité, les censeurs-tolérants continuent leur petit bonhomme de chemin, guillerets, sûrs de leur bon droit.
Dans ce désert-là, les oasis se font rares...

lundi 15 mars 2010

La Rafle : vous faites des tarifs de groupe ?

Sortie de La Rafle. J'avais du mal à cerner ce qui me mettait mal à l'aise dans la façon dont les médias parlent de ce film, que je n'ai d'ailleurs pas vu (ni ne compte voir). "Devoir de mémoire" par-ci, "témoignage utile aux jeunes générations" par-là ; le tout délivré "avec beaucoup d'émotion"... Comme dirait Columbo, y'avait un truc qui me chiffonnait.
Et puis samedi soir, Ruquier a vendu la mèche : "C'est vrai qu'il y avait eu quelques documentaires sur le sujet, mais là c'est un vrai film".
Euh ?... C'est pas l'inverse, normalement ?

dimanche 14 mars 2010

Ni la cheminée de faux marbre

Ni la peur de mourir un jour
Dans quelque ville frontalière
Sans tenir la main d'un amour
Ne les arrête sur la terre
Les Nomades
Et quand on voit sous les platanes
Passer les mulets et les ânes
On a beau être des profanes
On voudrait suivre la caravane
Des Nomades

mercredi 3 mars 2010

Au pays de Denis, Comme dans tous les pays, Y'a des méchants et des gentils...


Pour deviner l'ampleur de l'anachronisme dans lequel nous barbotons quotidiennement, pour prendre la mesure de l'escroquerie idéologique bon marché qu'est devenue la convocation du passé et de ses figures, rien de tel qu'un petit bain de jouvence dans les sources primaires. L'eau qui en jaillit nous semble acide, forcément. Elle pique un peu les yeux et ne fleure pas toujours le Chanel n°5 ni la "France-des-Lumières". C'est de l'histoire, quoi...
Lorsqu'on s'est dit à soi-même, que tout étant égal d'ailleurs, celui qui connoîtra le mieux une horloge sera l'ouvrier le plus capable de la raccommoder, il semble qu'on soit forcé de conclure, que tout étant égal d'ailleurs, celui qui entendra le mieux le corps humain, sera le plus en état d'en écarter les maladies, & que le meilleur anatomiste sera certainement le meilleur medecin.
C'étoit aussi l'avis de ceux d'entre les medecins qu'on appelloit dogmatiques. Il faut, disoient-ils, ouvrir des cadavres, parcourir les visceres, fouiller dans les entrailles, étudier l'animal jusque dans ses parties les plus insensibles ; & l'on ne peut trop loüer le courage d'Hérophile & d'Erasistrate, qui recevoient les malfaiteurs & qui les disséquoient tout vifs ; & la sagesse des princes qui les leur abandonnoient, & qui sacrifioient un petit nombre de méchans à la conservation d'une multitude d'innocens de tout état, de tout âge, & dans tous les siecles à venir. (…)
Celse (…) permit à l'anatomiste d'ouvrir des cadavres, mais non d'égorger des hommes : il voulut qu'on attendît du tems & de la pratique les connoissances anatomiques que l'inspection du cadavre ne pourroit donner ; méthode lente, mais plus humaine, dit-on, que celle d'Hérophile & d'Erasistrate.
Me seroit-il permis d'exposer ce que je pense sur l'emploi qu'on fait ici du terme d'humanité ? Qu'est ce que l'humanité ? sinon une disposition habituelle de coeur à employer nos facultés à l'avantage du genre humain. Cela supposé, qu'a d'inhumain la dissection d'un méchant ? Puisque vous donnez le nom d'inhumain au méchant qu'on disseque, parce qu'il a tourné contre ses semblables des facultés qu'il devoit employer à leur avantage, comment appellerez-vous l'Erasistrate, qui surmontant sa répugnance en faveur du genre humain, cherche dans les entrailles du criminel des lumieres utiles ? Quelle différence mettez-vous entre délivrer de la pierre un honnête homme, & dissequer un méchant ? l'appareil est le même de part & d'autre. Mais ce n'est pas dans l'appareil des actions, c'est dans leur objet, c'est dans leurs suites, qu'il faut prendre les notions véritables des vices & des vertus. Je ne voudrois être ni chirurgien, ni anatomiste, mais c'est en moi pusillanimité ; & je souhaiterois que ce fût l'usage parmi nous d'abandonner à ceux de cette profession les criminels à dissequer, & qu'ils en eussent le courage. De quelque maniere qu'on considere la mort d'un méchant, elle seroit bien autant utile à la société au milieu d'un amphithéatre que sur un échafaud ; & ce supplice seroit tout au moins aussi redoutable qu'un autre. Mais il y auroit un moyen de ménager le spectateur, l'anatomiste & le patient : le spectateur & l'anatomiste, en n'essayant sur le patient que des opérations utiles, & dont les suites ne seroient pas évidemment funestes : le patient, en ne le confiant qu'aux hommes les plus éclairés, & en lui accordant la vie, s'il réchappoit de l'opération particuliere qu'on auroit tentée sur lui. L'Anatomie, la Medecine & la Chirurgie ne trouveroient-elles pas aussi leur avantage dans cette condition ? & n'y auroit-il pas des occasions où l'on auroit plus de lumieres à attendre des suites d'une opération, que de l'opération même ? Quant aux criminels, il n'y en a guere qui ne préférassent une opération douloureuse à une mort certaine ; & qui, plûtôt que d'être exécutés, ne se soûmissent, soit à l'injection des liqueurs dans le sang, soit à la transfusion de ce fluide, & ne se laissassent ou amputer la cuisse dans l'articulation, ou extirper la rate, ou enlever quelque portion du cerveau, ou lier les arteres mammaires & épigastriques, ou scier une portion de deux ou trois côtes, ou couper un intestin dont on insinueroit la partie supérieure dans l'inférieure, ou ouvrir l'oesophage, ou lier les vaisseaux spermatiques, sans y comprendre le nerf, ou essayer quelqu'autre opération sur quelque viscere.
Denis Diderot, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (extraits de l'article "Anatomie")