Je dirais même plus...

dimanche 8 février 2009

Carmen la belle infidèle ?

En écoutant Carmen de Bizet (version Johnson / Domingo / Raimondi), je m’amuse à lire quelques passages de la traduction anglaise du livret. À l’acte III, ça chauffe entre don José et Escamillo, qui se battent « à coups de navaja » pour les beaux yeux (noirs) de la cigarière. Escamillo a le dessus une première fois mais refuse de porter l’estocade à José sous prétexte que celui-ci n’est pas un taureau. Puis c’est au tour du brigadier redevenu soldat devenu déserteur de vouloir larder le torero. Cependant, entre deux parties de tarot pas franchement réjouissantes, Carmen arrive juste à temps pour interrompre la rixe. Escamillo la remercie avant de s’adresser à son rival. C’est alors que j’ai la surprise de lire ces lignes :

As for you, fine soldier,
I’ll have a return fight, and we’ll play for the beauty
Whenever you’re willing to meet again.

censées traduire celles-ci :

Quant à toi, beau soldat,
Je prendrai ma revanche et nous jouerons la belle
Le jour où tu voudras reprendre le combat.

Ce qui m’interpelle, c’est cette « belle » dont le traducteur a manifestement compris qu’il s’agissait de Carmen. Et pourquoi pas, après tout ? J’ai toujours pensé (sans jamais vraiment y réfléchir, cela dit) que la « belle » s’entendait ici au sens sportif, c’est-à-dire comme une partie devant départager deux adversaires à égalité (« a decider » en anglais, je crois). Le contexte le laisse tout de même assez nettement penser. Le traducteur du livret de la version Callas partage d’ailleurs cette opinion :

As for you, my fine soldier,
I’ll take my revenge, and we’ll play for two out of three
Whenever you wish to renew the fight!

two out of three » : deux manches gagnantes sur trois)

Mais présenter la bohémienne dont il s’est entiché comme le trophée du combat, voilà qui sonne finalement assez juste dans la bouche d’Escamillo. Alors autant y voir un petit double sens qui, en français, enrichit sa réplique.

Moralité : il faut vraiment être abruti pour aller regarder la traduction anglaise d’un opéra français…

Note :
La rédaction de ce billet me rappelle que, quand j’étais enfant, il existait, pour les diverses compétitions auxquelles nous nous livrions, au gré de notre imagination, une sorte de pyramide des revanches, bien entendu destinée à faire durer le plaisir du jeu. La « belle » n’en était qu’une étape (la troisième, après la « revanche » stricto sensu), mais cela continuait ensuite. C’était encore plus sophistiqué qu’un protocole de duel ! Le plus étonnant est que chacune de ces étapes – dont l’ordre même était continuellement sujet de disputes – portait un nom. Impossible de m’en souvenir, malheureusement.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Non pas abruti, je le fais aussi... ok je suis peut-être abrutie aussi alors ;D
Ces derniers temps, je me suis fait croire que je travaillais en regardant les diverses interpétations d'une même scène de Carmen. Plusieurs en fait d'ailleurs. L'amour est un oiseau rebelle bien sûr, mais aussi Je vais danser en votre honneur (scène mémorable !!! L'une de mes préférées ;))
Et pour approfondir le travail j'ai comparé les Carmen dans le ballet du même nom.

Mais là où ca devient intéressant, c'est quand tu fais le même travail avec Esmeralda. La jeune fille naive d'Hugo (qui n'est d'ailleurs pas une bohémienne) a dû recevoir une transfusion sanguine de Carmen et a hérité, dans TOUTES les adaptations, une bonne part de son tempérament...

Bab a dit…

Pour Esmeralda, tu as même regardé la comédie musicale ? Si la réponse est oui, rassure-toi : tu ne te fais pas croire que tu travailles. Tu bosses même vraiment dur...

Anonyme a dit…

Oui j'ai regardé la comédie musicale et franchement ca m'a coûté qq nerfs. Autant quand tu regardes juste un morceau ou deux tu te dis qu'il y a de strucs pas mal mais quand tu regardes dans l'ensemble... c'est dur.
Et Hélène Ségara dans la rôle d'Esméralda, que dire, que dire...

Et puis flûte: ils peuvent pas prendre des chanteuses ou des actrices qui savent DANSER !? parce que c'est quand même l'activité principale de cette brave Esméralda... Et quand on regarde on oscille entre le rire et les larmes... faudra que je te passe qq vidéos...