Je dirais même plus...

lundi 7 septembre 2009

Certains missiés y'en a abrutis quand même


Des marqueurs, du papier, des cartouches d’encre, un agenda, de la bière… Ah ! J’allais oublier l’essentiel sur ma liste de rentrée : une dizaine d’exemplaires de Tintin au Congo à mettre en sûreté avant que l’album tel qu’on le connaît ne disparaisse de la circulation. Mon reporter fétiche a beau être fortiche, je doute qu’il soit de taille à lutter contre de Joyeux Turlurons tels que Bienvenu Mbutu Mondondo (l’étudiant congolais qui a porté plainte contre Moulinsart S.A. pour racisme) ou Patrick Lozès (« Noir, tout simplement, pharmacien et président du CRAN » - dixit son blog) qui exigent sur tous les tons qu’un « texte didactique » soit inséré en préambule de l’album incriminé. Tintincaca, en somme.

C’est qu’elle est bien huilée, la rhétorique philanthropique de ces espèces d’individous. Tellement qu’elle en dégouline, à vrai dire. À aucun moment il n’est question de mutilation ni de censure. Pensez-vous ! Il s’agit simplement d’avertir, d’expliquer, de remettre en contexte. Comprenez : de faire acte de pénitence. Je m’amuse à parcourir du regard ma bibliothèque, pour estimer combien d’œuvres seraient susceptibles de se voir affublées d’un « texte didactique ». Car il ne fait nul doute que la bande dessinée n’est qu’une première étape : la littérature suivra. Autant vous avouer qu’il y a du boulot. De quoi régler le problème du chômage, même. C’est qu’il en faudra, des bataillons de rédacteurs pédagogues, pour nous rappeler que « Rabelais était tout de même fort grivois », que « Flaubert était peut-être un peu misogyne » (« Rodolphe Boulanger de la Huchette est un vilain garçon. Ne faites pas la même chose chez vous ») ou encore que « Céline avait beau être un bon écrivain, il lui arrivait d’être antisémite ».

Elle a de quoi faire sourire, d’ailleurs, cette obsession apparente de la « remise en contexte », quand la tendance actuelle est précisément à la négation du contexte, c’est-à-dire de l’évolution des mentalités, c’est-à-dire de l’histoire. Rappeler, même du bout des lèvres, que « nos valeurs » n’ont pas toujours prévalu est devenu un crime de lèse-société. Gloire à l’anachronisme et à la rétroactivité, qui nous confortent dans notre légitimité durement acquise ! Un petit téléfilm sur la lutte féministe de Madame de Pompadour par-ci, une représentation d’Antigone en costumes nazis par-là…

À quand la réécriture des œuvres elles-mêmes pour les mettre « au goût du jour », pour faire « qu’elles répondent mieux aux problématiques de notre société » ? Nous y viendrons peut-être. Pour avoir la paix, Hergé n’avait pas attendu, lui : les pèlerins qui baragouinent petit-nègre dans l’édition originale de Coke en stock parlent, dans la version actuelle, un français d’académicien. De même, Tintin faisant la classe dans l’album congolais y donne aujourd’hui une sommaire leçon d'arithmétique (« Combien font deux plus deux ? »), venue remplacer la célèbre tirade : « Mes chers amis, je vais vous parler aujourd’hui de votre patrie, la Belgique !... » - autrement plus drôle.

Car comme le rappelle Michael Farr (Tintin : le rêve et la réalité), Tintin au Congo demeure de très loin l’album d’Hergé le plus populaire en Afrique. Ah, ces Africains ! Ils ont beau ne pas être de grands enfants rigolards, ils ne se rendent pas compte des conséquences dévastatrices de leur humour. Il faut mener la lutte à leur place car ils prennent tout à la légère. Ils s’esclaffent en découvrant comment les blancs les percevaient il y a 80 ans alors qu’ils devraient déjà être en procès. Vous avez dit cliché ?

2 commentaires:

corto74 a dit…

Et même l'illûstre avôcât Gilbert Collard se prend de passion désintéréssé pour l'affaire en assurant la défense du congolais bien-pensant!
Cela devient encore plus rigolo qu un album de Tintin

Bab a dit…

Ce qui n'est pas peu dire.
Je n'avais pas eu vent de cette "info"-là. J'en étais resté à son trait d'humour involontaire dans l'affaire précédente : "Si j'avais eu le sentiment que M. Girot de Langlade avait tenu un quelconque propos raciste, je n'aurais pas accepté de le défendre".