Le premier paradoxe, c’est qu’à la revendication formulée des millions de fois, pour chacun, d’être soi-même – c’est-à-dire, aurait-on pu croire, d’assumer sans entraves son originalité, son caractère unique, irremplaçable, irréductible à la norme – semble correspondre une société où les êtres sont de plus en plus semblables, et leurs aspirations plus semblablement limitées, leurs phrases plus semblablement prévisibles : plus chacun est soi-même, mieux tout le monde est pareil, médiocrement pareil.
Le deuxième paradoxe, jumeau du précédent, c’est qu’à la sommation innombrable, à tout instant et par tous les moyens proférée, de s’ouvrir à l’autre, à l’étranger, à toutes les cultures, et d’installer en soi-même comme en la cité le multiculturalisme, en somme, le pluriethnisme, l’aimante pluralité de tout, paraisse correspondre un monde où les lieux et les esprits des lieux sont de plus en plus interchangeables, pareillement affligeants en leur laideur et leur docile conformité à de piteux critères uniques. (pp. 36-8)
Renaud Camus, Syntaxe ou l’autre dans la langue, 2004
Contrairement au sentiment sans doute dominant de l’époque, l’insensibilité au jugement d’autrui n’est en aucune manière une qualité en soi ; et elle n’a pas du tout la même signification morale, ni surtout la même valeur, selon qu’elle est éprouvée par une personne qui s’en sert à protéger ses bonnes actions ou bien ses mauvaises, ses bons sentiments ou ses haines, sa nocence ou son innocence. Il se trouve hélas que la très légitime faveur dont jouit ce trait de personnalité quand il contribue à soutenir la liberté d’esprit et à défendre les comportements généraux, bénéfiques, méritoires, éclairés, qui ne sont pas jugés tels par un entourage ou un public abusés, que cette popularité et cette estime qui saluent l’indifférence à l’opinion des autres, se sont étendus bien à tort à des manifestations de cette particularité psychologique et morale où ne se reflètent rien d’autre, à la vérité, que l’absence de scrupule ou l’engourdissement, pour ne pas dire pis, de la conscience éthique. (pp. 166-7)
Renaud Camus, Éloge de la honte, 2004
Le deuxième paradoxe, jumeau du précédent, c’est qu’à la sommation innombrable, à tout instant et par tous les moyens proférée, de s’ouvrir à l’autre, à l’étranger, à toutes les cultures, et d’installer en soi-même comme en la cité le multiculturalisme, en somme, le pluriethnisme, l’aimante pluralité de tout, paraisse correspondre un monde où les lieux et les esprits des lieux sont de plus en plus interchangeables, pareillement affligeants en leur laideur et leur docile conformité à de piteux critères uniques. (pp. 36-8)
Renaud Camus, Syntaxe ou l’autre dans la langue, 2004
Contrairement au sentiment sans doute dominant de l’époque, l’insensibilité au jugement d’autrui n’est en aucune manière une qualité en soi ; et elle n’a pas du tout la même signification morale, ni surtout la même valeur, selon qu’elle est éprouvée par une personne qui s’en sert à protéger ses bonnes actions ou bien ses mauvaises, ses bons sentiments ou ses haines, sa nocence ou son innocence. Il se trouve hélas que la très légitime faveur dont jouit ce trait de personnalité quand il contribue à soutenir la liberté d’esprit et à défendre les comportements généraux, bénéfiques, méritoires, éclairés, qui ne sont pas jugés tels par un entourage ou un public abusés, que cette popularité et cette estime qui saluent l’indifférence à l’opinion des autres, se sont étendus bien à tort à des manifestations de cette particularité psychologique et morale où ne se reflètent rien d’autre, à la vérité, que l’absence de scrupule ou l’engourdissement, pour ne pas dire pis, de la conscience éthique. (pp. 166-7)
Renaud Camus, Éloge de la honte, 2004
1 commentaire:
Excellent !!!! Je signe l'intégralité !!!
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