Je dirais même plus...

jeudi 21 mai 2009

Colloquial advice

M***, amie thésarde, s’inquiète de ne pas avoir suffisamment de temps pour soumettre une proposition de communication à un colloque. En réalité, on a toujours assez de temps pour ce genre de bluff. D’expérience, je puis même affirmer que c’est souvent dans l’urgence que les traits d’inspiration les mieux sentis (phrases en chiasme, jeux de mots et paradoxes soi-disant profonds, portes ouvertes enfoncées sous le masque de l’originalité…) viennent avec le plus de facilité. L’instinct de survie, probablement.

Non, le plus dur, c’est bien entendu de poursuivre l’escroquerie une fois sur place ; autrement dit de savoir dissimuler avec élégance le fossé béant qui ne manque jamais de séparer ladite proposition de la communication finalement pondue, l’élan lyrique prometteur de l’inavouable réalité.

Trois petites astuces de base pour y parvenir à peu de frais :

1) En guise de préambule, affectez l’enthousiasme en expliquant que, certes, vous étiez initialement parti(e) sur la piste évoquée dans le programme du colloque, mais que vos recherches vous ont peu à peu amené(e) à bifurquer vers une question à votre sens plus fondamentale encore (comprenez : les trois morceaux de phrase que vous avez griffonnés la veille au soir dans votre chambre d’hôtel). Insistez sur le fait que vous n’êtes pas responsable de ce changement de dernière minute, mais qu’il s’est imposé à vous, le sacripant. Par honnêteté intellectuelle, vous ne pouviez pas l’ignorer et choisir la facilité. Au besoin, illustrez votre agacement imaginaire d’une petite moue. Concluez cependant d’un air bienveillant et fataliste : « This subject is so vast and so complex, but on the other hand it’s so fascinating ! »
Autre avantage de cette stratégie : pour des raisons de temps, que chacun comprendra, ces confidences méta-méthodologiques tiendront lieu d’introduction à votre intervention et vous dispenseront donc d’en rédiger une vraie.

2) Plus prosaïque mais tout aussi efficace : abrutissez votre auditoire d’un florilège de « visual aids » fantaisistes : citations latines, portraits de personnages illustres (Churchill, Nelson, Noddy…), schémas, diagrammes, photos de cul, tout est bon à prendre ! Il s’agit avant tout de détourner l’attention générale des fadaises que vous êtes en train de débiter.

3) Si vos fariboles ne dépassent pas les 3 minutes au chrono, découvrez-vous un chat dans la gorge et buvez abondamment. Pour plus de réalisme, nous vous conseillons de préparer le terrain environ une heure à l’avance, en poussant des râles de moribond pendant les communications qui précèdent la vôtre. Pour marquer le coup, sortez ostensiblement de l’amphi. Sous prétexte de ne pas déranger plus longtemps vos congénères par vos expectorations, vous pourrez ainsi aller vous en griller une avant que ne vienne votre tour. Ne simulez le malaise cardiaque ou l’AVC qu’en dernier recours.

Dans la prochaine leçon, nous verrons comment répondre aux questions qui suivent votre communication.

4 commentaires:

math a dit…

Génial!
merci pour ce coaching en fumisterie académique. j'ai presque envie qu'ils retiennent ma proposition de com° maintenant.
(J'savions point que t'avais un blog, c'est chouette ça. l'amie Claire en a un super aussi)

Bab a dit…

Fais tomber l'adresse, poulette...

Guillaume a dit…

Merci pour ces conseils précieux, collègue. Je me rends compte que j'ai appliqué certains d'entre eux à Montpellier. Fini ma comm' à une heure du matin dans ma chambre d'hôtel. Distrait les fans en leur distribuant un plan détaillé (pour qu'ils puissent se refaire mon show chez eux, plus tard, ou le raconter à leurs enfants). Prétendu rendre service à l'organisatrice en permettant de rattraper une partie du retard accumulé jusqu'à présent...

Bab a dit…

Venant de toi, je n'en espérais pas moins. Nous avons eu le même maître, after all...