Alice et Jérôme étaient parisiens d’adoption mais ils se considéraient avant tout comme des citoyens du monde. Ils s’étaient rencontrés lors d’une soirée organisée par un ami commun, cinq ans plus tôt. Lui était publicitaire, mais il savait pertinemment que les vraies valeurs étaient ailleurs. Il aimait même à répéter que, plus jeune, il avait longuement hésité avant de s’engager dans cette voie mais s’était finalement rendu compte que le meilleur moyen pour combattre le système était de l’observer de l’intérieur. Et puis l’idée que la publicité constituait le seul langage véritablement universel, au-delà des différences culturelles, ne lui déplaisait pas totalement. Elle était cadre dans un laboratoire pharmaceutique qui avait récemment défrayé la chronique judiciaire mais ne se sentait, en aucune façon, proche de son PDG. Au contraire, elle n’avait pas hésité, quand l'affaire avait éclaté, à participer à une manifestation de soutien aux victimes du médicament incriminé, pour lesquelles elle éprouvait la plus grande empathie. Elle avait même songé à démissionner.
Tous deux étaient résolument hostiles à la société de consommation.
Quand ils avaient décidé de vivre ensemble, puisqu’il fallait bien s’installer quelque part, ils avaient élu domicile dans un loft fraîchement rénové du IIIe arrondissement, rue Charlot. Le loft en question était sympa, avec ses grands volumes et sa baie vitrée, tout comme le quartier, convivial avec son ambiance village, même s’il manquait de diversité.
Le premier enfant était en route, mais Alice et Jérôme ne voulaient pas savoir s’il s’agissait d’une fille ou d’un garçon. En revanche, ils avaient déjà songé au prénom – Victorine ou Bastian (« avec deux ‘a’ », précisait toujours Alice). L’entourage de la future maman s’inquiétait un peu lorsque celle-ci évoquait son souhait d’accoucher à la maison, « comme nos grand-mères ». On verrait bien. Quoi qu'il en soit, la place du chérubin était déjà réservée dans la maternelle du quartier, une école très sympa bien que – pas de chance – elle manquât, elle aussi, de diversité.
Le samedi soir, après avoir dîné dans un restaurant brésilien bio du nom de « Favela » (restaurant tenu par un copain bisexuel), Alice et Jérôme allaient souvent au spectacle avec un couple d’amis enseignants. Récemment, ils avaient découvert un humoriste issu des quartiers qu’ils avaient même contribué à lancer en le subventionnant sur internet. Ce petit beur n’avait pas sa langue dans sa poche. Trois soirs par semaine, il délectait le public de ses anecdotes sur les nombreux contrôles au faciès et discriminations à l’embauche dont il avait été victime. Il expliquait ainsi à l’auditoire, hilare, combien les Français étaient racistes. C’est cette subversion, cette capacité à bousculer les préjugés par le rire qu'Alice et Jérôme avaient tant apprécié chez lui.
Après le spectacle, ils rentraient chez eux avec la satisfaction de pouvoir se remettre en question. De plus, en raison du succès de leur poulain, ils commençaient à toucher les premiers fruits de leur investissement. « C’est tout bénef ! » résumait parfois Jérôme en arborant un large sourire.
Tous deux étaient résolument hostiles à la société de consommation.
Quand ils avaient décidé de vivre ensemble, puisqu’il fallait bien s’installer quelque part, ils avaient élu domicile dans un loft fraîchement rénové du IIIe arrondissement, rue Charlot. Le loft en question était sympa, avec ses grands volumes et sa baie vitrée, tout comme le quartier, convivial avec son ambiance village, même s’il manquait de diversité.
Le premier enfant était en route, mais Alice et Jérôme ne voulaient pas savoir s’il s’agissait d’une fille ou d’un garçon. En revanche, ils avaient déjà songé au prénom – Victorine ou Bastian (« avec deux ‘a’ », précisait toujours Alice). L’entourage de la future maman s’inquiétait un peu lorsque celle-ci évoquait son souhait d’accoucher à la maison, « comme nos grand-mères ». On verrait bien. Quoi qu'il en soit, la place du chérubin était déjà réservée dans la maternelle du quartier, une école très sympa bien que – pas de chance – elle manquât, elle aussi, de diversité.
Le samedi soir, après avoir dîné dans un restaurant brésilien bio du nom de « Favela » (restaurant tenu par un copain bisexuel), Alice et Jérôme allaient souvent au spectacle avec un couple d’amis enseignants. Récemment, ils avaient découvert un humoriste issu des quartiers qu’ils avaient même contribué à lancer en le subventionnant sur internet. Ce petit beur n’avait pas sa langue dans sa poche. Trois soirs par semaine, il délectait le public de ses anecdotes sur les nombreux contrôles au faciès et discriminations à l’embauche dont il avait été victime. Il expliquait ainsi à l’auditoire, hilare, combien les Français étaient racistes. C’est cette subversion, cette capacité à bousculer les préjugés par le rire qu'Alice et Jérôme avaient tant apprécié chez lui.
Après le spectacle, ils rentraient chez eux avec la satisfaction de pouvoir se remettre en question. De plus, en raison du succès de leur poulain, ils commençaient à toucher les premiers fruits de leur investissement. « C’est tout bénef ! » résumait parfois Jérôme en arborant un large sourire.
3 commentaires:
Bravo.
Tu n'en fais pas d'autres...
Et pourquoi pas, monsieur Guillaume ? J'ai déjà toute une galerie de portraits folkloriques en tête...
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