Je dirais même plus...

lundi 30 mai 2011

Rabbi Warshaw

Mother, Rabbi Warshaw is a fat, pompous, impatient fraud, with an absolutely grotesque superiority complex, a character out of Dickens is what he is, someone who if you stood next to him on the bus and didn’t know he was so revered, you would say, “That man stinks to high heaven of cigarettes,” and that is all you would say. This is a man who somewhere along the line got the idea that the basic unit of meaning in the English language is the syllable. So no word he pronounces has less than three of them, not even the word God. You should hear the song and dance he makes out of Israel. For him it’s as long as refrigerator! And do you remember him at my bar mitzvah, what a field day he had with Alexander Portnoy? Why, Mother, did he keep calling me by my whole name? Why, except to impress all you idiots in the audience with all those syllables!

Philip Roth, Portnoy’s Complaint, 1969.


dimanche 22 mai 2011

Alice et Jérôme

Alice et Jérôme étaient parisiens d’adoption mais ils se considéraient avant tout comme des citoyens du monde. Ils s’étaient rencontrés lors d’une soirée organisée par un ami commun, cinq ans plus tôt. Lui était publicitaire, mais il savait pertinemment que les vraies valeurs étaient ailleurs. Il aimait même à répéter que, plus jeune, il avait longuement hésité avant de s’engager dans cette voie mais s’était finalement rendu compte que le meilleur moyen pour combattre le système était de l’observer de l’intérieur. Et puis l’idée que la publicité constituait le seul langage véritablement universel, au-delà des différences culturelles, ne lui déplaisait pas totalement. Elle était cadre dans un laboratoire pharmaceutique qui avait récemment défrayé la chronique judiciaire mais ne se sentait, en aucune façon, proche de son PDG. Au contraire, elle n’avait pas hésité, quand l'affaire avait éclaté, à participer à une manifestation de soutien aux victimes du médicament incriminé, pour lesquelles elle éprouvait la plus grande empathie. Elle avait même songé à démissionner.

Tous deux étaient résolument hostiles à la société de consommation.

Quand ils avaient décidé de vivre ensemble, puisqu’il fallait bien s’installer quelque part, ils avaient élu domicile dans un loft fraîchement rénové du IIIe arrondissement, rue Charlot. Le loft en question était sympa, avec ses grands volumes et sa baie vitrée, tout comme le quartier, convivial avec son ambiance village, même s’il manquait de diversité.

Le premier enfant était en route, mais Alice et Jérôme ne voulaient pas savoir s’il s’agissait d’une fille ou d’un garçon. En revanche, ils avaient déjà songé au prénom – Victorine ou Bastian (« avec deux ‘a’ », précisait toujours Alice). L’entourage de la future maman s’inquiétait un peu lorsque celle-ci évoquait son souhait d’accoucher à la maison, « comme nos grand-mères ». On verrait bien. Quoi qu'il en soit, la place du chérubin était déjà réservée dans la maternelle du quartier, une école très sympa bien que – pas de chance – elle manquât, elle aussi, de diversité.

Le samedi soir, après avoir dîné dans un restaurant brésilien bio du nom de « Favela » (restaurant tenu par un copain bisexuel), Alice et Jérôme allaient souvent au spectacle avec un couple d’amis enseignants. Récemment, ils avaient découvert un humoriste issu des quartiers qu’ils avaient même contribué à lancer en le subventionnant sur internet. Ce petit beur n’avait pas sa langue dans sa poche. Trois soirs par semaine, il délectait le public de ses anecdotes sur les nombreux contrôles au faciès et discriminations à l’embauche dont il avait été victime. Il expliquait ainsi à l’auditoire, hilare, combien les Français étaient racistes. C’est cette subversion, cette capacité à bousculer les préjugés par le rire qu'Alice et Jérôme avaient tant apprécié chez lui.

Après le spectacle, ils rentraient chez eux avec la satisfaction de pouvoir se remettre en question. De plus, en raison du succès de leur poulain, ils commençaient à toucher les premiers fruits de leur investissement. « C’est tout bénef ! » résumait parfois Jérôme en arborant un large sourire.