Décidément, l'affaire est entendue. Il n'existe plus nulle part de problèmes. Pas la queue d'un. Circulez.
C'est que, depuis un bon moment déjà, les soucis les ont tous envoyés au diable, les problèmes. Ils sont d'abord arrivés subrepticement, ces soucis ; malicieusement planqués derrière la négation de leur propre existence. Y'a pas de souci, qu'ils disaient tous. Vous faites pas de bile, en somme. On n'est pas là. On n'existe pas. Y'a pas de souci. Mais il y en avait... Et même de plus en plus.
Lorsqu'ils se sont sentis en confiance et supérieurs en nombre, les soucis sont passés à l'attaque, pour de bon. Finie, la marche au "pas" ! Les masques pouvaient tomber. On aurait dû le voir venir, du reste : y' va y avoir un souci, ça risque de poser un souci, nous avertissait-on à tout bout de champ. Et puis, enfin, l'invasion eut lieu : il y eut des soucis partout, en veux-tu, en voilà. Même l'alliance que contractèrent dans l'urgence les problèmes avec la vérité (c'est un vrai problème) ne put les sauver du désastre. Ils étaient faits comme des rats. Un vrai génocide !
Seulement ce qu'ils ne semblent pas voir, les petits soucis, tout enivrés qu'ils sont de leur victoire, c'est qu'ils risquent à leur tour d'en avoir un gros. Et sans tarder, encore. Car, tapies dans l'ombre, les soeurs inconsolables et vindicatives des défunts problèmes méditent déjà leur vengeance et rêvent de les détrôner. Ces soeurs, ce sont bien sûr les problématiques. Grassouillettes, satisfaites d'elles-mêmes, conscientes de leur charme, elles s'appliquent d'ores et déjà, telles les tentacules d'une pieuvre gluante, à infiltrer tous les débats les plus insignifiants, tous les sujets les plus glauques, tous les terrains les plus consensuels : la problématique du tri sélectif, la problématique des transports, la problématique de la neige, la problématique du temps de travail, la problématique de l'agriculture, la problématique de la culture... L'hypothèse d'un mariage de circonstance qui mettrait fin à ces conflits n'est toutefois pas à exclure totalement, et l'on ne peut qu'être impatients de découvrir quels merveilleux rejetons lexicaux engendreraient, si cette union devait être consommée, nos soucis problématiques.
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