Je dirais même plus...

lundi 16 novembre 2009

Fais tes devoirs, sinon on dialogue !


Pan-pan cul-cul pas bien, donc. Comme à l’accoutumée, la « proposition » a surgi de nulle part, enduite d’une rhétorique moderniste désormais incontournable : la « France-en-retard » ou « à-la-traîne », les « statistiques-qui-prouvent-que-dans-les-autres-pays-européens », le « problème-de-la-maltraitance-que-nul-ne-saurait-cautionner », etc.
Une fois ce petit chantage intellectuel de routine mis en place, ladite proposition (dont l’avenir n’a, bien entendu, aucune espèce d’importance) pourra, éventuellement, jouer le rôle convenu ; autrement dit « faire polémique ». Je dis bien « éventuellement », car on fabrique tant de ces « affaires » en carton-pâte à l’heure qu’il y a forcément du déchêt. Soyons optimistes et gageons que celle-là connaîtra son heure de gloire.
Dans les journaux, les « psychologues », « spécialistes » et autres « consultants » ès éducation ne manqueront pas de donner leur avis satisfait sur la question, à grand renfort de novlangue. Psychologies fera semblant de s’interroger : « Éducation stricte : bonne ou mauvaise idée ? » tandis que Version Femina proposera à ses lectrices (et lecteurs) un test « drôle et décalé » : « Votre bout’chou est-il un enfant-roi ? »
Sur toutes les radios, dans la rubrique « Vous avez la parole », Jeanine, 67 ans, de Vaulx-en-Velin, pourra hurler que cette proposition est un scandale, qu’il n’y a « plus de valeurs » et que, de son temps, les mouflets se prenaient des taloches sans broncher.
À la télévision, des « débats citoyens libres de ton » seront organisés. Des « pédopsychiatres », des « mamans » et surtout des « papas » y vanteront les mérites d’une « éducation douce », « basée sur la pédagogie et le dialogue ». Quelques idiots utiles viendront charitablement leur servir de contradicteurs. Avec un peu de chance, ils auront le temps de marmonner timidement des mots comme « autorité », « recadrage » ou « respect » avant de se faire rire au nez et traiter de « réactionnaires phallocrates ». Les plus kamikazes s’enhardiront peut-être jusqu’à suggérer que l’angélisme en matière d’éducation n’a jusqu’à présent pas donné de résultats probants et que, si les enfants n’ont pas l’air spécialement plus épanouis qu’avant, il ne fait en revanche aucun doute qu’ils sont de plus en plus insupportables. D’autres, plus spirituels ou plus nihilistes, se risqueront à la rigueur à affirmer que, quand bien même la fessée n’aurait aucune vertu pédagogique pour l’enfant, elle a parfois le mérite de soulager certains parents et de leur éviter l’ulcère, ce qui n’est tout de même pas si mal.
Comme d’habitude, en tout cas, personne ne songera à remettre radicalement en cause l’hystérie légaliste ambiante qui a rendu l’existence même de cette hallucinante proposition possible, ni à pointer du doigt la seule chose qu’elle représente vraiment : une énième forme d’ingérence bien-pensante dans la sphère privée. La question de l’opportunité d’une loi interdisant les « châtiments corporels » se trouvera rapidement réduite à un débat « Pour ou contre la fessée ? », le postulat étant que, s’il était prouvé que la fessée est bel et bien néfaste, il faudrait naturellement une loi pour l’interdire.
Et surtout, comme d’habitude, personne ou presque ne rira à gorge déployée du grotesque de la situation, qui ne manque pourtant pas de sel. D’abord, parce qu’elle illustre merveilleusement le pouvoir qui reste aujourd’hui au politique et l’envergure des affaires qu’il traite (avec le plus grand sérieux). Ensuite, parce que nos charmants petits Matis, Théo, Morgane et autres Enzo n’ont certes pas attendu cette ultime boutade pour faire subir à leur entourage leur despotisme procédurier et leur terrorisme affectif.
Pondre une loi rendant la fessée obligatoire, au point où nous en sommes arrivés, cela aurait déjà été à peu près aussi sérieux que de porter un ciré à Tchernobyl pour se protéger des radiations ; mais concocter une loi l’interdisant, cela confine au sketch burlesque. Un peu comme si le commandant du Titanic pissait dans ses cales inondées en chantant « Nearer, my God, to Thee »…

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